Avis Client Pequignet Concorde : Fine, sobre et brutale

Il y a des montres qui séduisent par accumulation complication, brillance, démonstration et d’autres qui frappent par soustraction. Cette Péquignet appartient sans ambiguïté à la seconde catégorie. Je ne l’ai pas choisie pour ce qu’elle montre, mais pour ce qu’elle refuse de montrer. Et c’est précisément ce qui en a fait un coup de cœur immédiat lors de WLW avant de devenir, aujourd’hui, une montre que j’ai réellement choisie d’acheter. Le choc initial est d’abord formel. Le dessin du boîtier, aux lignes adoucies mais fermement architecturées, s’inscrit clairement dans l’héritage des années 70 cette décennie où l’horlogerie dialoguait avec le brutalisme, le design industriel et l’utopie fonctionnelle. J’y retrouve une filiation que j’ai souvent évoquée dans Dialicious : cette capacité à faire exister une forme sans chercher la signature à tout prix. On peut penser à Gérald Genta, bien sûr, mais débarrassé ici de toute tentation ornementale. Plus proche, peut-être, d’un Dieter Rams appliqué à l’horlogerie : "Less, but better". Rien n’est là pour séduire. Tout est là pour servir. Le boîtier en titane sablé est une réponse presque militante à l’overdose contemporaine de surfaces polies miroir et de cadrans qui cherchent l’effet avant la fonction. C’est exactement le type de choix que j’ai souvent défendu dans mes revues Dialicious : une matière qui absorbe la lumière au lieu de la renvoyer, qui existe par sa présence plus que par son éclat. On est dans une esthétique de l’outil, pas du bijou une approche qui évoque autant le design aéronautique que les lignes essentielles de Naoto Fukasawa, ou encore les volumes silencieux du Bauhaus tardif, où la forme découle toujours de l’usage. Au porté, la légèreté du titane est presque déroutante. Le boîtier est fin, parfaitement équilibré, et la montre disparaît physiquement sans jamais disparaître visuellement. C’est une sensation que j’ai déjà décrite dans Dialicious, cette idée qu’une montre réussie est parfois celle qu’on oublie de porter, tant elle tombe juste. Ici, cet équilibre est particulièrement abouti. Le cadran pousse cette logique jusqu’au bout. Dépouillé, lisible, presque ascétique, il évite le piège du minimalisme décoratif que j’ai parfois pointé du doigt dans certaines revues. Les aiguilles ajourées apportent la tension graphique nécessaire : un jeu de pleins et de vides qui rappelle à la fois certaines recherches constructivistes et les équilibres subtils de Calder, où le mouvement, le vide et la structure coexistent sans hiérarchie. Elles ne sont pas là pour séduire. Elles structurent l’espace. Le bracelet mérite une mention particulière. J’ai souvent insisté, dans Dialicious, sur le fait qu’un bracelet mal pensé pouvait ruiner une excellente montre. Ici, c’est tout l’inverse. Il est pleinement intégré au projet, fluide, ergonomique, cohérent avec le boîtier. Il participe à cette sensation globale de continuité et de fonctionnalité évidente. Rien n’est spectaculaire. Tout est pertinent. La couronne est un détail que j’apprécie particulièrement. Prévisible sur le papier, mais remarquable à l’usage. Bonne prise en main, lisible, sans fioriture. Une couronne conçue pour être utilisée, pas photographiée exactement ce que je défends depuis longtemps dans mes revues. Et puis il y a le fond. Ajouré, oui, mais sans narcissisme mécanique. J’ai souvent été critique face aux fonds transparents trop bavards ; ici, Péquignet trouve le ton juste. Le calibre manufacture se laisse observer sans se donner en spectacle. Pas de finitions tapageuses, pas de surjeu. Une mécanique honnête, équilibrée, en parfaite cohérence avec l’ensemble. Conclusion Cette montre n’est pas une démonstration de force. C’est une démonstration de maîtrise. Elle s’inscrit naturellement dans la continuité de ce que j’analyse et défends depuis longtemps dans Dialicious : une horlogerie de choix, de cohérence, de retenue. Une horlogerie qui parle à ceux qui ont dépassé le stade de l’éblouissement, et qui cherchent désormais le sens plutôt que le bruit. Et puis il y a ce détail, discret mais chargé de symbolique : la fleur de lys. Un signe presque silencieux, qui me ramène immédiatement à Paris, à son blason, à cette devise qui m’accompagne autant que cette montre désormais : Fluctuat nec mergitur. Ballottée par les courants, mais jamais submergée. C’est exactement ce que raconte cette Péquignet. Une montre qui ne cherche pas à briller dans la tempête, mais qui reste droite, fidèle à son cap. Une montre pour une période de maturité. Et c’était clairement le bon moment pour moi